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Le débat national sur l'énergie en terrain miné

Le débat national sur l'énergie en terrain miné

LE MONDE | • Mis à jour le

Delphine Batho, à l'Assemblée nationale, le 23 octobre.

 Pas question de laisser le train s'aventurer sur une mauvaise voie. Surtout éviter un déraillement qui constituerait un nouveau revers pour le gouvernement après l'annulation de la loi sur le logement social par le Conseil constitutionnel ou la gestion maladroite du rapport Gallois sur la compétitivité. Voilà pourquoi le lancement du débat national sur la transition énergétique, prévu début novembre, a pris du retard.

Quinze jours ? Trois semaines ? Un peu plus ? "Croyez-moi, demande la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Delphine Batho, ce délai supplémentaire n'est en rien du temps perdu. Dans ce genre d'exercice, les questions de méthode sont importantes. Chaque acteur doit savoir que ses préoccupations seront entendues."

La transition énergétique est l'un des grands chantiers du quinquennat de François Hollande, une pièce maîtresse dans la lutte contre le changement climatique puisqu'elle "doit conduire à une société sobre en carbone à l'horizon 2050", selon les propres mots du chef de l'Etat. Avant cette échéance, il y a 2025 et la réduction à 50 % (contre 75 % aujourd'hui) de la part du nucléaire dans la production d'électricité.

Comment y parvenir ? Comment donner la priorité aux énergies renouvelables ? Comment améliorer l'efficacité énergétique ? Quelle marge de manoeuvre donner aux territoires ? Combien tout cela va-t-il coûter ? Voilà, pour résumer, les questions auxquelles devra répondre le débat national dont les recommandations inspireront une loi de programmation annoncée pour juillet 2013.

L'ampleur de ces enjeux explique le retard annoncé. Car chacune des six parties prenantes au débat – patronat, syndicats, organisations non gouvernementales (ONG), pouvoirs publics, collectivités territoriales, parlementaires – veut être sûre de ne pas se faire gruger.

"ACTEURS NERVEUX"

"Tous ces acteurs ont très envie de se lancer dans la discussion mais ils sont aussi très nerveux. Ils veulent des règles du jeu tout à fait équitables", analyse Bruno Rebelle, l'ancien responsable de Greenpeace, aujourd'hui directeur de Transitions, un cabinet de conseil spécialisé dans le développement durable. Delphine Batho lui a demandé de prendre la tête d'une équipe technique chargée d'élaborer une méthode pour organiser le débat. M. Rebelle, ex-conseiller de Ségolène Royal, mesure parfaitement les difficultés actuelles. Il a travaillé tout l'été sur le débat, consultant patrons, ONG, experts, etc. Il a transmis aux principaux acteurs une note – il en est à sa onzième version – qui détaille ses propositions en matière de calendrier, de gouvernance, de délibération... "Il faut à tout prix aller au fond des sujets en évitant les jeux de posture. Et être dans le prospectif", insiste-t-il.

Pour le moment, c'est encore la méfiance qui domine. Depuis le début du mois, Delphine Batho a reçu deux courriers. Le premier, daté du 2 octobre, a été signé par douze ONG qui demandaient, notamment, un droit de regard sur la personnalité chargée du pilotage du débat ainsi que sur les nominations des experts scientifiques qui seront amenés à participer aux discussions.

 

Une éolienne, à Rochefort. L'Union française de l'électricité (UFE) estime que les ONG ne peuvent "s'arroger le rôle d'être seules en capacité d'apprécier les enjeux environnementaux, sociaux et industriels de la transition énergétique".

Six jours plus tard, le 8 octobre, la ministre recevait une lettre du Medef, signée de Jean-Pierre Clamadieu, président de la commission développement durable de l'organisation patronale, qui insistait sur la nécessité "de ne pas faire l'impasse sur une participation directe des entreprises au débat". Une demande irrecevable pour certaines ONG. Entre les deux missives, l'Union française de l'électricité (UFE) avait fait paraître un communiqué de presse virulent qui jugeait "qu'en aucun cas, les ONG ne pouvaient s'arroger le rôle d'être seules en capacité d'apprécier les enjeux environnementaux, sociaux et industriels de la transition énergétique".

Selon la "feuille de route pour la transition énergétique" du gouvernement, la gouvernance du débat doit s'organiser autour d'une "commission nationale" respectant l'équilibre des six collèges, une sorte de "Parlement", en somme. Animée par un comité de pilotage, elle s'appuiera sur un comité d'experts scientifiques et un comité de citoyens. Les régions auront, elles, un rôle d'organisation du débat dans les territoires.

La question de savoir qui siégera dans ces instances est fondamentale. Car ces sages ou ces experts vont être chargés – selon la méthode retenue – de définir les besoins en énergie de la France à moyen et long termes, puis de définir une politique de l'offre en proposant des scénarios de mix énergétique. Pour les ONG, comme la Fondation Nicolas Hulot (FNH) ou France Nature Environnement (FNE), c'est même d'un nouveau projet de société dont il va être question : "A-t-on besoin de pétrole ou a-t-on besoin de se déplacer ? Il n'y a pas que ceux qui produisent qui doivent répondre, il y aussi ceux qui consomment", insiste Benoît Faraco, porte-parole de la FNH. Cette vision sociétale du débat semble assez éloignée de celle du Medef, qui préfère insister sur le "combien ça va coûter ? qui va payer ?", invoquant l'exemple de l'Allemagne où l'arrêt du nucléaire prévu d'ici à 2020 pèse sur les factures d'électricité des ménages. "Ce débat, c'est une machine à fabriquer des déçus, lâche un industriel. Pourquoi le gouvernement se lance-t-il là-dedans, alors que nous avons un prix de l'électricité très bas, véritable avantage compétitif pour la France ? Au moins sur ce sujet, on n'est pas en crise..."

"MACHINE À PERDRE"

Les noms des membres du comité de pilotage – "ce sera une équipe et pas une seule personnalité", indique Delphine Batho – seraient en cours d'arbitrage à Matignon. On évoque Laurence Tubiana, directrice de la chaire de développement durable à Sciences Po, le climatologue Jean Jouzel, les économistes Christian de Perthuis ou Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS... "Vous verrez, une fois que les experts et les sages auront été désignés, la machine se mettra en marche", estime un député de la majorité.

Le plus tôt sera le mieux car, du côté des ONG comme des entreprises, les esprits s'échauffent. Fini l'état de grâce du gouvernement. L'offensive contre la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est menée par EDF et les salariés de la filière. Celle contre le moratoire sur le gaz de schiste par le patronat et les pétroliers. Les associations regrettent, elles, un projet de loi de finances où la transition énergétique n'apparaît guère : le diesel n'est pas pénalisé et la fiscalité verte quasi inexistante. Le temps est en effet venu de remettre les choses à plat.



03/11/2012
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